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ITM: La gestion des âges en entreprise

Relations de Travail & Talents

La gestion des âges en entreprise, une nécessité et un atout

Pour la deuxième année consécutive, la campagne « Lieux de travail sains » de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) vise à promouvoir une vie active durable. En 2030, près d’un tiers des travailleurs (« employé » au niveau européen ou « salarié » au Luxembourg) européens sera âgé de plus de 55 ans. La main-d’œuvre européenne vieillit, et dans la plupart des pays l’âge officiel de la retraite est en hausse. Toutefois, de nombreux travailleurs quittent le marché du travail avant cet âge légal, notamment en raison d’une santé fragile, de discriminations liées à l’âge, de perte de qualifications professionnelles ou de responsabilités familiales. De nouvelles approches pour la gestion des ressources humaines, de la sécurité au travail et de la gestion de la santé s’avèrent dès lors nécessaires.

Le Luxembourg dans le paysage européen

Même si la population du pays est relativement jeune en comparaison des autres pays européens, il n’en reste pas moins vrai que la situation peut se révéler préoccupante à brève échéance. Ainsi, en 2015, seuls 38,4 % des salariés âgés de 55 à 64 ans étaient encore actifs sur le marché du travail, alors que l’Union européenne affichait une moyenne de 53,3 %, selon les chiffres d’Eurostat. Si l’on creuse un peu plus en détail ces chiffres, il apparaît qu’en 2014 25,1 % des personnes âgées de 50 à 69 ans avaient arrêté de travailler pour des questions de santé ou d’incapacité et 23,6 % des salariés déclaraient souffrir d’une maladie ou d’un problème de santé de longue durée. À titre de comparaison, le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans au Luxembourg était en 2014 de 42,5 %, alors qu’il était de 65,6 % en Allemagne, de 47 % en France et de 42,7 % en Belgique. Ce taux dépassait les 70 % dans certains pays, tels la Norvège, la Suède ou la Suisse.

La gestion de l’âge en entreprise, une nécessité et un atout

Au moment d’envisager les solutions, il faut veiller à ne pas se concentrer uniquement sur l’âge, mais sur le vieillissement des salariés. Il convient d’envisager leur santé et leur sécurité tout au long de leur carrière professionnelle, dès leur entrée sur le marché du travail. Comme le disait déjà en 2016 Marianne Thyssen, Commissaire européenne à l’Emploi et aux Affaires sociales, « pour réellement pouvoir partir à la retraite plus tard, il faut bien vieillir, il faut rendre le travail durable, soutenable. »

La gestion de l’âge commence dès le recrutement. Ses différents éléments clés sont le transfert de connaissances, la formation et l’apprentissage tout au long de la vie ; l’évolution de carrière ; les pratiques flexibles concernant le temps de travail ; la promotion de la santé au travail ; la gestion de la santé et de la sécurité au travail ; la rotation des postes et le reclassement et enfin la sortie de l’emploi et le passage à la retraite.

Les avantages de la gestion des âges en entreprise sont indéniables pour les employeurs. Elle leur garantit une offre de main-d’œuvre et leur permet d’anticiper les pénuries de compétences et de talents, d’éviter de coûteuses pertes de main-d’œuvre qualifiée et expérimentée et de diminuer ainsi la rotation du personnel et réduire les coûts de recrutement. Elle offre encore la possibilité de bien gérer la relève lors du départ à la retraite, d’atteindre une meilleure performance au sein des différents groupes d’âge et d’exploiter pleinement les forces et compétences de chacun, en profitant notamment de l’expertise et de l’expérience des salariés plus âgés.

Les salariés y trouveront aussi leurs profits. La prise en considération de leur situation et de leurs besoins spécifiques générera une plus grande motivation et une plus grande satisfaction au travail ainsi qu’une capacité de travail et une employabilité durables tout au long de leur carrière professionnelle. La gestion des âges peut également leur permettre d’atteindre un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée.

Travail durable et soutenable ?

Les jeunes salariés d’aujourd’hui seront les salariés vieillissants de demain. La prévention en matière de santé et de sécurité au travail est donc cruciale pour l’avenir, car pour pouvoir travailler plus longtemps et partir plus tard à la retraite, il faut bien vieillir. Le travail se doit donc d’être durable, soutenable. La santé des salariés vieillissants est effectivement affectée par les conditions de travail des premières années de la carrière professionnelle. Ces conditions de travail doivent s’adapter à l’âge ainsi que l’évaluation des risques afin que les salariés restent en bonne santé et aptes au travail. L’adaptation du poste de travail en fonction de l’âge et des capacités ainsi que la formation continue permettent de maintenir le personnel vieillissant en activité et ont indéniablement un effet positif sur la productivité. Encore une fois, les différents acteurs du monde du travail y trouvent leur compte.

La capacité de travail, un concept composite

La capacité de travail, ou work ability en anglais, est l’équilibre entre les ressources individuelles des salariés et les exigences liées au travail auxquelles ils doivent faire face. Parmi les caractéristiques propres au salarié, nous pouvons citer la santé et les capacités fonctionnelles (physiques, mentales, sociales), la formation et les compétences, les valeurs et les attitudes ainsi que la motivation. Les aspects liés au travail reprennent les charges (physiques et mentales) liées à la fonction, la communauté professionnelle et le leadership et, enfin, l’environnement de travail.

Plusieurs études ont démontré qu’un travail exigeant physiquement ou mentalement est négativement associé à la capacité de travailler jusqu’à 65 ans. Or au Luxembourg, 31 % des salariés estiment qu’ils ne pourront plus accomplir le même travail à 60 ans, contre une moyenne européenne de 27 %, selon la Sixième enquête européenne sur les conditions de travail 2015 de Eurofound. Une bonne santé, des incitations financières pour rester dans l’emploi, les attitudes positives envers les salariés plus âgés de la part des cadres dirigeants, une importance plus grande du travail dans la vie ont un effet positif sur la volonté de continuer à travailler jusqu’à l’âge de 65 ans.

Il ressort de l’étude « Conditions de travail et Qualité de vie au travail » réalisée par le Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER) pour le compte du Ministère de la Sécurité sociale que différents facteurs influencent le choix des salariés de se maintenir en activité. Entrent en considération les facteurs socioéconomiques, les facteurs sociodémographiques et les conditions de travail. Parmi les éléments passés en revue par le LISER figurent les conditions de travail pénibles, les horaires atypiques, les exigences en informatique, la demande psychologique, la latitude décisionnelle et le soutien social. Enfin, le lien entre ces conditions de travail et le sentiment de satisfaction au travail a été envisagé.

L’évaluation des risques, l’âge en considération

Les capacités des individus changent tout au long de la vie, et même si ces fluctuations ne sont pas uniquement liées à l’âge, celui-ci est à prendre en considération dans l’évaluation des risques. Les salariés vieillissants sont en effet particulièrement soumis aux risques physiques dans le cas de mouvements répétitifs, de travaux de manutention, de postures inconfortables ou de postures statiques. Ils sont plus sensibles aux environnements de travail chauds, froids ou bruyants et aux vibrations. Le travail posté et le travail en hauteur présentent également des risques accrus pour cette catégorie de salariés. Les risques psychosociaux, tels les compétences obsolètes, le manque de formation et d’évolution de carrière, la discrimination fondée sur l’âge, le déséquilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, entrent aussi dans le bilan global. Il ne faut néanmoins pas perdre de vue que les salariés plus âgés ne constituent pas un groupe homogène, et que l’âge n’est pas un facteur suffisant pour fonder des suppositions. Tous n’ont pas les mêmes besoins ni les mêmes souhaits en ce qui concerne leur travail.

Une politique intégrée, la clé du succès

Seule une politique intégrée, transversale et pluridisciplinaire permettra de traiter cette thématique de façon appropriée. Elle se devra d’envisager la vie professionnelle sur le long terme et passera nécessairement par le dialogue social, l’implication des nombreuses parties intéressées étant la clé de la réussite.

Cette politique intégrée s’intéressera :

  • aux aspects sociaux avec la réforme des retraites, qui vise à élever l’âge de la retraite et de limiter l’accès à la pré-retraite et aux pensions d’invalidité,
  • aux politiques liées à l’emploi pour promouvoir l’emploi des salariés âgés et leur employabilité en les soutenant de façon ciblée,
  • à la sécurité et à la santé au travail ainsi qu’aux conditions de travail, tenant compte du travail soutenable, des arrangements du temps de travail, de l’équilibre vie professionnelle-vie privée, du reclassement professionnel et de la reprise du travail,
  • à la santé publique, avec la promotion de la santé sur le lieu de travail, la réadaptation médicale orientée vers la vie professionnelle, le vieillissement actif et en bonne santé,
  • à la formation, avec la formation continue et la formation professionnelle,
  • à l’égalité de traitement, interdisant la discrimination fondée sur l’âge ou l’incapacité.

À l’heure de mettre en œuvre des solutions, les différentes parties concernées devraient être consultées, employeurs comme salariés. Au Luxembourg, le projet de loi visant à introduire un paquet de mesures en matière de politique des âges va conduire aussi bien à une amélioration de la situation des salariés âgés qu’à un renforcement de la sensibilisation au sein des entreprises. À l’échelle européenne, les nombreux exemples de réussite et de bonnes pratiques dans ce domaine démontrent que l’implication de chacun et la solution concertée sont la clé pour une implémentation harmonieuse.

www.itm.lu

www.healthy-workplaces.eu

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